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« Ces gens de peu, dont beaucoup ne parlaient pas français, ou le parlaient mal, ne se sont pas levés en décembre 1851 contre la France, mais pour bâtir la France autrement. Ils mettaient en œuvre une conception nouvelle de la politique, celle où le peuple est porteur de l’initiative historique : le peuple exprimant collectivement sa volonté de disposer de sa souveraineté, en assumant son droit de décision et de contrôle à tous les échelons de responsabilité citoyenne, et au premier chef à l’échelon communal. Conception jugée par beaucoup aujourd’hui dépassée, remplacée par le seul rapport de l’individu au politique, et par la péjoration de la donne nationale. » René Merle, président de l’association 1851-2001. |
Les
évènements de 1851 à
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Fragment de la plaque apposée sur la maison de Jean Pech
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Capestang prépare activement, en partenariat avec la Municipalité et le Foyer Rural, une série d’initiatives destinées à commémorer la résistance au Coup d’Etat de 1851 (voir encart) Mais que s’est-il donc passé à Capestang en décembre 1851 ? A cette époque la commune connaît, comme toute l’Europe, une crise économique. Ici, c’est un village strictement agricole et, sans qu’elle soit en état de monoculture, la vigne est devenue dominante. Pourtant, et la démographie en témoigne puisque la population est passée de 1000 à 2000 habitants, il y avait eu jusqu’ici une période favorable. Le commerce des Trois-six avait en effet été favorisé par la création du Canal du Midi. Oui, à cette époque, le vin produit était systématiquement destiné à la chaudière. Mais autour des années 1850 il y a déjà un phénomène de mévente. Situation difficile donc pour les petites gens car ce sont toujours les mêmes qui font les frais des crises ! La révolution de 1848 n’avait pas été à la hauteur des espérances et les Républicains attendaient beaucoup des élections prévues pour 1852. Le barbier de Capestang avait même inscrit ces espérances sur son plat à barbe. Celui-ci a d’ailleurs par la suite servi de pièce à conviction dans le procès qui lui a été fait. Des mesures restreignant le suffrage universel (obligation de résider dans la commune depuis trois ans pour avoir le droit de vote) avaient conduit à ce que 321 citoyens de Capestang soient rayés des listes électorales. Pour assurer le succès des idéaux d’une République « Belle et Bonne » un réseau de sociétés secrètes s’est développé en France. A Capestang ils sont une cinquantaine d’affiliés. Pour la plupart ce sont sans doute de petits propriétaires ou des ouvriers agricoles, la mention cultivateur, qui figure le plus souvent en regard de chaque nom, n’étant pas explicite. La nouvelle du Coup d’État est connue à Capestang le 4 décembre. Des délégués sont envoyés au cimetière de Béziers, point de ralliement de la manifestation prévue pour se rendre à la sous-préfecture. Mais une cinquantaine de membres de la société secrète, dont parmi eux certains de Poilhes, se sont réunis aux alentours du village et, au son du tambour qui bat la générale, ils entrent dans celui-ci. A Capestang il y a une caserne de quatre gendarmes. Ceux-ci vont au devant des manifestants. Le Maire, et Conseiller Général, Adolphe Saïsset, républicain modéré, parvient à faire tampon entre eux. Et puis, alors que les protagonistes s’éloignent, des coups de feu éclatent et deux gendarmes sont blessés, dont un, Cassan, grièvement (il sera amputé d’une jambe). Les Républicains investissent la commune et l’occupent jusqu’au 10 décembre. Des gardes sont assurées aux portes du village que les riches propriétaires ont quitté. Aucune exaction, aucune atteinte à la propriété, ne sont relevées pendant cette période. Le 10 décembre arrive la colonne mobile, forte de 200 hommes, commandée par le colonel Montfort. La chasse à l’homme est organisée dans la campagne environnante où se sont réfugiés les insurgés. Il y aura deux blessés et un mort parmi ceux-ci. Curieusement l’histoire n’a pas retenu le nom de celui-ci. Les arrestations vont avoir lieu et les procès par les commissions mixtes se dérouler à Montpellier. Lors du plébiscite des 20 et 21 décembre qui suit et légitime le Coup d’État le nouveau Maire de Capestang, un certain Mirabel, peut faire état de 569 OUI et un bulletin BLANC sur les 570 VOTANTS. On ne connaît pas le nombre d’inscrits et partant celui des ABSTENTIONS. Une cinquantaine de gens de Capestang sont appréhendés. On relève deux contingents de départ en exil, l’un de Sète avec 19 condamnés qui vont à Bône, l’autre de Toulon avec 12 autres condamnés qui partent pour Cayenne. Parmi ceux-ci on relève le nom de Jean Pech. Il est né en 1826 et a donc 25 ans au moment des événements. Il deviendra pour Capestang la figure emblématique de cette période. En Guyane il partagera la cellule de Casimir Péret et fera partie des six détenus qui tenteront une évasion au cours de laquelle l’ancien Maire de Béziers trouvera la mort après que le canot emprunté se soit disloqué. C’est Jean Pech qui, après avoir nagé pendant quatre heures, permettra que des secours atteignent le récif où ont abordé les naufragés. Naturellement l’arrivée des secours c’est aussi le retour à la prison et Jean Pech ne retrouvera Capestang qu’en 1859, c’est à dire qu’il sera resté huit ans en exil. Il aura l’occasion à Cayenne de fréquenter Delescluze, le futur Communard, et on peut suivre à travers sa correspondance l’évolution de sa conscience politique ainsi que sa meilleure maîtrise de la langue écrite. Il dira : « J’étais un mouton, je suis devenu un tigre » De retour chez lui Jean Pech se retirera de la vie politique. On relève cependant sa participation, en 1907, à l’inauguration de la stèle à Casimir Péret, près de la cathédrale, que l’on doit au père de Jean Moulin. Devenu aveugle, il mourra en 1913 à l’âge de 87 ans. Son plaisir dans ses vieux jours était d’être conduit jusqu’à sa vigne dont il aimait toucher les ceps. Le 1er décembre 2001, la veille du cent cinquantième anniversaire du Coup d’État de Napoléon III, une plaque sera apposée sur la maison où a vécu Jean Pech. Quand on connaît l’histoire récente de Capestang on ne peut que constater une filiation entre les insurgés de 1851 et l’engagement républicain, constamment renouvelé, de la commune. Depuis 1900 le Maire a en effet toujours été de gauche, socialiste pour être complet. En 1944 ce sont Capestang et Poilhes qui ont fourni l’essentiel des martyrs de Fontjun. Chaque année, pour le 14 juillet, le drapeau rouge est hissé au haut du clocher en même temps que le drapeau tricolore. Il y reste d’ailleurs jusqu’à ce que les intempéries le déchirent. Jacques Cros
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LES EVENEMENTS DE 1851 A NEFFIES Vendredi 26 octobre une bonne cinquantaine de personnes avaient répondu à l’invitation de l’Amicale Laïque de Neffiès qui proposait, dans la salle de l’Ancien Couvent, une conférence de Mme Andrée Piacère sur les événements qui se sont produits en 1851 dans cette commune. Avec beaucoup de pédagogie et une voix très agréable, la conférencière a su replacer la relation de l’Histoire locale dans le contexte général de l’époque. Elle a fait remonter la chronologie de la conjoncture aux élections des 23 et 24 avril 1848 dont les résultats déçoivent les Républicains les plus ardents. Les journées insurrectionnelles de juin, qui sont un soulèvement de la misère, se soldent par une répression sanglante. Celle-ci a été confiée au Général Cavaignac, pourtant Républicain de bonne souche. Des milliers de morts, des exécutions sommaires, des milliers d’arrestations, de condamnations, dont 4 348 déportations en Algérie (déjà !), suppression des Ateliers Nationaux, restrictions de la liberté de la presse… voilà pour un premier bilan ! La suite est dans le même registre avec l’adoption en 1850 de la Loi Falloux, favorable à l’enseignement catholique cependant que de graves entorses sont faites au principe du suffrage universel. Quelle est la situation à Neffiès ? La commune compte à cette date un millier d’habitants. Pour les deux tiers ce sont des paysans, petits ou moyens propriétaires et ouvriers agricoles. Adossé aux contreforts du Mont Vissou, le territoire voit la culture de la vigne déjà développée en même temps que l’on élève des troupeaux de moutons et de chèvres. Particularité aussi le dernier tiers des actifs travaille à la mine de charbon, probablement du lignite. Quels sont alors les problèmes à Neffiès ? Mme Piacère en recense trois : 1- les plaintes contre le défrichement de parcelles jusqu’alors utilisées pour la pâture ; 2- l’obligation pour ceux qui n’en sont pas dispensés, de payer en espèces, et non plus en nature, le service de l’instituteur ; 3- la question de la qualité de l’eau de la fontaine publique, celle-ci ayant provoqué des épidémies. Qui est le Maire le 2 décembre 1851 ? Un certain Enjalbert, un notable, nommé par le Préfet, sur proposition du Sous-Préfet. Comment la nouvelle du Coup d’Etat a-t-elle été connue ? Elle est arrivée à Montpellier le 3 décembre grâce au télégraphe optique. Aussitôt informés les chefs Républicains montpelliérains se réunissent et… se font arrêter. Le 4 décembre c’est la Sainte Barbe, la fête des mineurs. A Neffiès elle débute comme toujours par une messe. Habituellement prévue pour durer quatre jours, cette année-là elle n’en dura que deux. Dans le contexte politique du moment elle devient inquiétante. Il y a grand bruit et grand tapage, on chante des chansons et on bat le tambour cependant que le rouge est de mise. Le Maire fera état de « plusieurs individus coiffés de bonnets phrygiens et portant des ceintures rouges ». La tension va monter le lendemain. Déjà dans la nuit du 4 au 5, Jacques Pagès, cafetier, avait battu la générale avec le tambour emprunté à la Mairie. Au matin du 5, à 8 H, un groupe d’insurgés, avec à leur tête Jean Bouis, vient, au prétexte que la Chambre est dissoute, demander la démission du Maire. C’est Emmanuel Bousquet qui est désigné pour le remplacer. Qui est Jean Bouis ? Un fils de bonne famille qui fait ses études de droit à Paris. Né en 1827 il a donc 24 ans en 1851 et n’est donc pas en âge de prétendre à être le premier magistrat de Neffiès. A Paris il a rencontré Ledru-Rollin et semble acquis aux idées socialistes. Ce sera le meneur pendant cette période trouble. Il prendra la fuite et on ne saura pas ce qu’il est devenu jusqu’au 29 décembre 1852 où il est gracié. Qui est cet Emmanuel Bousquet qui remplace, très provisoirement, Enjalbert à la tête de l’administration municipale ? Il a 32 ans, il est célibataire, fils de cultivateur et menuisier (devenu agriculteur ?). Il n’est pas affilié à la société philanthropique laquelle a une fonction de mutuelle et… d’éducation populaire dirions nous aujourd’hui. Par contre il est abonné aux journaux et, au café, il en fait sans doute la lecture à ses compatriotes illettrés ou impécunieux. Mais le 5 décembre le général Rostolan proclame l’Hérault en état de siège. L’information doit arriver à Neffiès dans la soirée. Aussi la prudence l’emporte et, si la fête continue encore, le 6 décembre Enjalbert retrouve ses prérogatives. Alors que Neffiès semble avoir retrouvé son calme, un drame se produit le 16 décembre au matin. Bernard Granier, mineur, âgé de 32 ans, est abattu par la colonne mobile (les soldats de Bonaparte). On ne sait rien sur les circonstances de cette mort. Le corps de Bernard Granier est retrouvé à 7 H du matin à La Costille (tènement situé sur la pente du village). Sa veuve meurt en mars 1852 après avoir donné le jour à une fillette de sorte qu’aucun témoignage ultérieur n’est venu éclairer l’affaire. Quelle est la suite ? Les arrestations ne vont pas tarder à commencer et s’accentueront après le plébiscite des 20 et 21 décembre auquel les 248 votants des quelque 350 inscrits de Neffiès répondent OUI. Le 5 janvier 1852 un commissaire spécial est nommé. Il restera à Neffiès jusqu’en 1853. Les soldats de la colonne mobile tiendront quelque temps garnison dans la commune, nourris à l’auberge aux frais du contribuable Neffiessois. Au total une quinzaine de participants aux événements seront jugés et pour la plupart condamnés à la transportation en Algérie (avec le plus souvent la mention Algérie plus). Ils reviendront dans les deux ans, certains minés par les fièvres. A noter que, outre Jean Bouis qui a été jugé par contumax, Jean-Baptiste Huc a pris la fuite et sera ravitaillé par son épouse dans le maquis qui l’abrite. Revenus à Neffiès les proscrits ne sont pas encore pleinement graciés. Ils sont l’objet de mesures de surveillance et doivent se rendre chaque mois à la gendarmerie de Roujan, ce qui complique leur vie. Rouzière se plaint « cette surveillance dans ma position de charbonnier m’est fort préjudiciable ». De même Vinas, gêné par le obligations de son métier de maréchal-ferrant, tandis que pour Bec, les mines de Neffiès étant inondées, il doit chercher du travail ailleurs. Le 30 juillet 1881, quand la IIIème République triomphante vote la loi de réparation qui indemnise les victimes du Coup d’Etat, cinq des proscrits sont décédés, six recevront la pension allouée, tandis que cinq veuves ou descendants bénéficieront de la moitié de celle-ci. C’est en 1901 qu’à la suite d’une délibération municipale il est décidé d’élever un monument aux victimes du Coup d’Etat de 1852 (sic). Un crédit de 300 F a été voté auquel s’ajoute une subvention de 150 F du Conseil Général. L’inauguration, par Emilien Sauris, maire, a lieu le 17 décembre 1902. Emmanuel Bousquet, alors âgé de 85 ans, peut y assister. L’inscription ayant effacée, la signification de ce monument avait disparu de la mémoire collective des habitants de Neffiès. Deux plaques apposées le 11 novembre 1988 en présence de M. Carrière, le Maire alors en exercice, permirent aux générations actuelles de renouer avec leur Histoire. Au cours de l’année 2000 le Conseil Général a dégagé un crédit de 40 000 F pour la rénovation complète du monument. L’inauguration des travaux aura lieu le 11 novembre 2001 à 11 H. Un grand merci à Mme Piacère pour sa remarquable rétrospective et aux élus pour leur hommage à ces Républicains d’un autre siècle, ancêtres et précurseurs des Démocrates d’aujourd’hui. Jacques Cros
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Gravure représentant
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